L'abbaye du MONT SAINT-MICHEL – Partie 1 sur 2
1300 ans d’existence *****
(Version mars 2021)
La baie
Située entre Granville, péninsule du Cotentin en Normandie, et Cancale en Bretagne, elle est connue pour ses marées spectaculaires. L’abondance de produits de la mer ainsi que l’existence de prés salés (élevage de moutons) et de cultures sur polders font sa renommée. La particularité de la baie réside dans sa surface plane très étendue sur 40 000 hectares qui accueille l’estuaire de trois cours d’eau : Le Couesnon, la Sée et la Sélune. Les marées, célèbres dans le monde entier, se sont essoufflées avec l’ensablement de la baie. Des travaux colossaux ont été réalisés pour tenter de limiter l’ensablement. Vous pouvez découvrir la baie et le Mont en cliquant ici et la baie depuis le Grouin du Sud en cliquant ici !
L’abbaye
Le site est connu depuis l’Antiquité sous le nom de Mont Tombe, la première église est consacrée sur le futur Mont Saint-Michel en 709 à la demande d’Aubert évêque d’Avranches, ville située face au Mont. Aubert aurait eu une vision de l’archange Saint Michel qui lui aurait ordonné de construire un sanctuaire sur le Mont d’après le texte de la Revelatio. D’après Rabelais, l’histoire de Gargantua serait liée à celle du mont. Le culte de Saint Michel prend racine au Monte Sant'Angelo ou Monte Gargano au Ve siècle en Italie dans la région des Pouilles.
Le premier oratoire voulu par Saint Aubert n’existe plus de nos jours. Sa trace ne persiste que dans les textes. Le Mont est cédé par Charles le Chauve au roi de Bretagne en 867. L'église Notre-Dame-sous-Terre daterait du début du Xe siècle, elle faisait partie d’un ensemble abbatial probablement plus grand. La construction d’une abbaye romane, beaucoup plus vaste, est entreprise au XIe siècle après l’installation des bénédictins. La construction de ce grand ensemble est rendue possible grâce à l’octroi de fonds par Richard II. Une partie des anciens bâtiments est conservée pour servir d’assise aux nouveaux. C’est ainsi que plusieurs cryptes sont créées ou modifiées. L’abbatiale romane elle-même est achevée en 1080. Les contraintes de construction dues à la configuration du site rocheux expliquent la disposition peu courante des bâtiments conventuels autour de l’abbatiale. Les parois de l’abbaye romane sont en granite de Chausey, les chapiteaux sont en pierre de Caen.
L’abbaye fait les frais des guerres entre le roi de France Philippe Auguste et Jean sans Terre d’Angleterre, qui possède le duché de Normandie au tout début du XIIIe siècle. Un cloître est achevé en 1229 en surplomb de 78 mètres par rapport au niveau de la mer. Il intègre une partie de l’ensemble appelé "la Merveille" qui comprend également deux bâtiments achevés dans la première moitié du XIIIe siècle et incluant, sur trois niveaux : Une aumônerie, une salle dite des Hôtes, un réfectoire, un cellier, une salle dite des Chevaliers et enfin le cloître (à l’Ouest). Le chœur roman s’effondre en 1421. Des travaux de reconstructions, ralentis par le déroulement de la Guerre de Cent Ans, ne sont entrepris qu’en 1444 et achevés en 1521. L’îlot de Tombelaine et la ville d’Avranches sont d’ailleurs occupés par les Anglais en 1356. C’est à cette époque que se fait sentir la nécessité de bâtir des fortifications dignes de ce nom autour du Mont. La construction d’un ensemble de murailles, de tourelles et de châtelets est entreprise en 1393 sous l’impulsion de l’abbé Pierre le Roy. La survenue de bataille d’Azincourt en 1415 induit également une accélération des travaux de protection du Mont Saint-Michel. Louis XI demande, à la fin du XVe, un nouveau renforcement des défenses du Mont. De nouvelles tours sont érigées. Vers 1520 on élève à l’Ouest la tour Gabriel capable d’accueillir des pièces d’artilleries. L'abbaye est convertie en prison à la Révolution comme la plupart des lieux de cultes (abbayes en particulier). Elle ne fermera qu'en 1863 ! La restauration du lieu, classé à l'inventaire des Monuments Historiques, commence 11 ans plus tard. La statue de l'archange Saint Michel, usée par les éléments a nécessité une restauration, de sa dorure en particulier. Après un travail méticuleux d'artisanat de près de deux mois, elle a été réinstallée par voie héliportée au sommet de l'abbaye, à 160 mètres de hauteur, en mai 2016 (soit 7 mois avant la série de photos proposées ici). Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur l'histoire du Mont…
Déroulement de la visite...
On accède à l’abbaye par le Grand Degré extérieur qui compte 100 marches et conduit à la cour du Châtelet. Après avoir passé un arc on aboutit à l’escalier du Gouffre qui conduit à la Porterie ou Salle des Gardes. La billetterie se situe dans l’ancienne aumônerie. Le Grand Degré intérieur compte 90 marches et débouche au 3e niveau, après avoir traversé la salle du Saut-Gautier, sur le parvis de l’abbatiale et sa terrasse panoramique. Cette terrasse pavée primitive dite « Terrasse Ouest » correspond à l’ancien parvis et aux trois anciennes travées détruites de l’abbatiale en 1776. Elle est complètement ouverte au Nord et à l’Ouest, mais partiellement au Sud. La façade de l’abbatiale la ferme dans sa partie orientale. La vue panoramique sur la baie y est particulièrement impressionnante !
L’église abbatiale est accessible par le portail de sa façade occidentale. D’une longueur de 70 mètres, les murs de la nef culminent à 17 mètres de hauteur alors que la voûte du chœur, atteinte elle, 25 mètres. L’édifice repose sur trois cryptes : la Chapelle des Trente-Cierges au Nord, la Crypte des Gros piliers sous le chœur et la Chapelle Saint-Martin au Sud. Notre-Dame-sous-Terre se situe, à l’Ouest, sous la nef. Cette dernière date de 1060. Le bas-côté Nord est reconstruit par l’abbé Roger II entre 1115 et 1125 après son effondrement en 1103.
Le chœur roman s’effondre, lui, en 1421. Il est reconstruit à partir de 1446 dans le style gothique flamboyant et sera achevé vers 1523. Un incendie détruit partiellement les trois premières travées de la nef qui doivent être rasées, en 1776. On érige une nouvelle façade néoclassique en 1780, percée d’un portail central et de deux portes latérales. Des colonnes engagées et des chapiteaux doriques intègrent la partie inférieure de celle-ci. Des colonnes terminées par des pyramidions l'encadrent. Les fenêtres de la façade sont surmontées d’arcs en plein cintre. Cet étage comprend aussi des colonnes engagées à chapiteaux dorique. Le fronton triangulaire couronne l’étage supérieur.
La nef, de style normand du XIIe siècle, s’élève sur 3 niveaux. L'inférieur comporte des grandes arcades sur piliers carrés chacun cantonné de 4 colonnes arrondies engagées. L’étage moyen comprend une tribune de style "triforium" avec des travées à arcatures doubles et baies géminées. Le troisième et dernier étage est percé de fenêtres hautes. Un plafond en lambris la recouvre. Deux bas-côtés assez étroits en voûtes d’arête, encadrent la nef. En 1834, un nouvel incendie survient qui ravage la nef, ses sculptures et sa charpente. Les chapiteaux de la nef sont remplacés au XIXe siècle.
Le chœur, de style gothique, il s’inspire des chœurs gothiques abbatiaux normand (Saint-Ouen de Rouen en particulier). Le sol s’orne d’un pavage en terre cuite vernissée réalisé en 1965. Ses piliers sont cantonnés de nervures multiples. Un triforium à claire-voie et une balustrade ajourée occupent l’étage intermédiaire. Des fenêtres hautes bi- ou trigéminées s’ouvrent, chacune d'elles, sur une voûte bordée par deux ogives. Les armoiries des abbés bâtisseurs ornent les clefs de voûtes. Sept chapelles rayonnent du déambulatoire. On y découvre des bas-reliefs en pierre de Caen du XVIe siècle consacrés aux évangélistes ou encore au Christ descendant au Limbes. Un ex-voto du XIXe siècle en forme de bateau est suspendu à droite de la chapelle axiale.
En bref…
Probablement l’un des plus beaux monuments de l’Occident, brillant à la fois par l’esthétique de sa construction que par le choix de son site naturel d'édification. Il faut y aller au moins une fois dans sa vie... Attention ! 3,5 millions de visiteurs par an (auparavant...), méfiez-vous de l’affluence de touristes ! Il est possible de visiter l’abbaye du Mont Saint-Michel presque « seul » : Lors des nocturnes en été (témoignage d’amis qui ont eu cette opportunité) ou bien en hiver. J’ai pris les photos, présentées ici, le 31 décembre 2019. Cet article n'est qu'un tour d'horizon de l'histoire et de l'architecture du site qui mériterait plusieurs volumes ! La baie du Mont Saint-Michel et son abbaye sont, bien sûr, classées au patrimoine mondial par l'UNESCO. Bientôt la deuxième partie de la visite...
Informations pratiques
- De Rennes, comptez 67 km et 1h de route par la D175 et Pontorson.
-De Caen, 1h20 et 122 km par l'A84 puis la N175.
- De Paris, environ 3h45 et 360 km que vous passiez par l'A13 et Caen ou, par l'A11 et Le Mans.
- L'espace de stationnement se trouve sur le "continent", à l'Est du centre d'information, un peu au Sud nouveau barrage. Pour se rendre au Mont il est nécessaire de prendre une navette (bus réguliers) ou bien d'y aller à pied (environ 3 km aller, soit 35-40 min).
- Il existe plusieurs options qui permettent de découvrir la baie à pied avec des guides expérimentés, depuis différents points de son pourtour.
Une partie de la digue (1085 mètres), légèrement décalée vers l’Est, est désormais prolongée par le pont-passerelle en fin de parcours (760 mètres). Le gué de 120 mètres donne accès au village du Mont.
-Il existe également des Navettes routières depuis les gares SNCF de Rennes et Saint-Malo.
Tarifs du parking (2021) : 9,80€ en basse saison et 14,90€ en haute saison… Heureusement, une navette gratuite « passeur » relie le parking au mont ! Il est aussi possible d’y aller en marchant.
Tarifs de l’abbaye (2020) : 11€ adultes (supplément avec conférence), gratuité pour les moins de 18 ans.
Si vous ne voulez pas grever votre budget en achetant une omelette à prix d’or, évitez le restaurant La Mère Poulard : Bien que le cadre soit charmant, les tarifs pratiqués sont à la mesure des envolées gothiques du Mont… Il existe des restaurants moins prestigieux sur le Mont qui proposent des menus à des prix abordables, y compris des omelettes battues...
La Merveille est ici montrée sous toutes ses coutures, dans un paysage hivernal où la mer et le ciel se disputent l'horizon et sa frise d'arbres recouverts de givre. La nature se pare d'argent et de nacre, tandis que nous découvrons pas à pas ce monument historique classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1979.
RépondreSupprimerLaissons la querelle des Normands et des Bretons sur l'appartenance du célèbre rocher...Notre photographe nous offre une visite privée, montrant les hautes parois de l'Abbaye, les contreforts et les arc-boutants, le plafond en lambris de la nef, la voûte du chœur, la flèche et la statue dorée de l'Archange.
Cette statue avait perdu sa dorure sous l'effet des vents chargés de sable et plusieurs documentaires avaient suivi le retour en hélicoptère de la statue reprenant sa place après avoir été redorée pendant deux mois en Dordogne. C'était en mai 2016. Je me souviens l'émotion ressentie à la vue de cette prouesse de reposer l'Archange d'or à 160 mètres au-dessus du niveau de la mer, et cette même émotion m'envahit en contemplant les photographies, et la statue aux ailes déployées comme si fragile en haut de la flèche...
Côté construction humaine, restauration, ce joyau architectural nous impressionne et notre photographe nous transmet son amour du lieu étonnamment déserté de ces millions de touristes, baigné dans une luminosité hivernale qui habille l'eau, les sables, le ciel de mille reflets de pierre de lune, "cette nature fantomatique" si belle, cette "géométrie fractale", cette barque isolée, ces deux silhouettes perdues dans la baie gelée, une photographie artistique proche d'une peinture moderne, l'évanescence m$eme par contraste avec l'architecture, les bas-reliefs, les statues des apôtres, les chapelles rayonnantes, les ogives, et même la maquette du Mont et le navire suspendu...
Un petit extrait de Maupassant dans son texte magistral "Le Horla" : " Ayant gravi la rue étroite et rapide, j’entrai dans la plus admirable demeure gothique construite pour Dieu sur la terre, vaste comme une ville, pleine de salles basses écrasées sous des voûtes et de hautes galeries que soutiennent de frêles colonnes. J’entrai dans ce gigantesque bijou de granit, aussi léger qu’une dentelle, couvert de tours, de sveltes clochetons, où montent des escaliers tordus, et qui lancent dans le ciel bleu des jours, dans le ciel noir des nuits, leurs têtes bizarres hérissées de chimères, de diables, de bêtes fantastiques, de fleurs monstrueuses, et reliés l’un à l’autre par de fines arches ouvragées..."
Une fois de plus je suis trop longue, mais tout cela est tellement beau. Merci Julien!
J'ai oublié de parler de la restauration de la statue et de son installation, qui avait pourtant eu lieu 7 mois avant !
SupprimerJe rectifie...
Et cette photographie intitulée "Plongée vers la base du rocher" est splendide...
RépondreSupprimertu as donc passé le dernier jour de l'année en plein froid?? :-)
RépondreSupprimermerci pour cette splendide visite en un lieu que je visitais en 1966..et ne me demande pas quel age j'avais
Malgré le réchauffement climatique, il fait rarement 31°C le 31 décembre !
SupprimerEn 1966 je n'avais pas d'âge ;)
Article très complet, et photos de la Baie et du Monument exceptionnelles à une date tout aussi remarquable, qui contribue à un éclairage d'hiver que j'ai trouvé très pur. Merci Julien de ce reportage.
RépondreSupprimerLe mont semblait être un phare au milieu de la baie embrumée...
SupprimerLa voûte du choeur et l'élévation du choeur ainsi que la vue de la baie sont assez extraordinaires !
RépondreSupprimerLe cloître (à venir) n'est pas mal non plus ;)
SupprimerToujours un plaisir de parcourir et reparcourir les photos du Mont Saint Michel. Merci !
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