Le Jardin japonais NIKKA YUKO 日加友好 de LETHBRIDGE, ALBERTA
Amitié nippo-canadienne***
Il s’agit d’un espace conçu en 1967 par Tadashi Kubo ayant pour vocation de créer un havre d’harmonie et de sérénité : une manière symbolique d’enterrer la hache de guerre entre Japon et Canada dans l’après Seconde Guerre mondiale. Son nom se décompose en : 日 pour Japon, 加 pour Canada et 友好 pour amitié. La structure du jardin à forte imprégnation culturelle nippone tente de s’intégrer dans un décor et une culture différente de l’origine de son concepteur. L'organisation du jardin Nikka Yuko s’est mâtinée de culture ouest-canadienne du fait de la configuration et du climat des lieux. L’architecte du jardin a veillé à maintenir la culture japonaise du respect de la nature et d’en transmettre une perception apaisée par les différents sens du visiteur.
Le portail
On accède à l’entrée du jardin après avoir parcouru un sentier pavé de brique. Le portail donne accès à l’espace orné d’arbres, de buissons, de pierres et d’eau. Son architecture s’équilibre avec le paysage environnant.
Le puits
Situé sur la gauche, on y accède par un sentier. Le puits symbolise et matérialise la source d’eau pure et claire utilisée pour la cérémonie du thé. Les jardiniers japonais taillent la végétation avec une conscience de l’espace environnant et jouent sur l’asymétrie suggérée par la nature en dégageant des superpositions de couches de feuilles et de branches. Il est ici question de mettre en valeur la beauté brute de la nature tout en la guidant discrètement.
Le pavillon
D’architecture nippone du XVIe siècle, il est fait de bois de cyprès jaune et de cèdre et s’inspire d’un foyer traditionnel. On y entre en se déchaussant. Il abrite un centre culturel japonais. Des portes coulissantes Shōji (障子) donnent accès au jardin sec (枯山水, karesansui). Havre de paix à l’intérieur d’un environnement déjà apaisé, il représente à l’aide de rocher et de sable au sein d’une enceinte confinée, des îles dans la mer. Dans les pièces du pavillon on découvre également des calligraphies, des ikebanas, et un sol de tatami dans la salle de cérémonie du thé (茶室 chashitsu).
Montagne et cascade
La cascade d’eau attire l’attention. Une petite pagode, délicatement placée pour maintenir le regard sur la cascade tout en encourageant une exploration au-delà du premier plan, se découvre derrière un érable. Les arbres persistants, les pierres et l’eau forment la structure du jardin. Ils constituent un fond sombre mettant en valeur la flamboyance des feuillages d’automne.
La partie boisée
Ici aussi, les plantes persistantes forment un cadre pérenne au cours des saisons. Les arbres à feuillage caduque produisent un décor feuillu transitoire. Les érables sont plantés pour l’intérêt esthétique des couleurs de leur feuillage aux riches variations saisonnières. En hiver, leurs branchages nus dessinent de délicats motifs. On déambule sous les érables et les pommiers sauvages. Les pins et épicéas, situés dans et hors de l’enceinte, donne la sensation d’une plus vaste forêt.
L’étang
Les pierres plates (Ariso) sur la berge ont toutes été sélectionnées individuellement et placées manuellement. L’île en forme de tortue symbolise la longévité. Ici aussi, les jardiniers veillent à tailler les arbres avec un objectif : élaguer tout en préservant leurs proportions, et faire éclore leur beauté naturelle. Ils révèlent leur grâce sur un fond de ciel ou par l’entremise des reflets aquatiques.
La pagode
Ses cinq sections représentent cinq éléments de la nature : terre, eau, feu, vent et ciel. L’eau est au cœur du jardin, elle évoque la pureté. Les pierres à la base des ponts rappellent la force et l’endurance. Les pierres posées sur le sol s’harmonisent avec les plantes et lichens disposes à cet effet. Le panorama sur le lac Henderson voisin prolonge le paysage du jardin et en rehausse la beauté.
La cloche de l’amitié
Un petit pavillon abrite cette cloche de bronze qui matérialise l’amitié nippo-canadienne. Le son de son gong en sonne symboliquement le message. Le poids de la cloche équilibre le pavillon et en assure la cohésion. Une autre berge borde le bassin. Une lanterne de pierre la surplombe. De nouvelles perspectives sur le bassin et le lac s’offrent ici au regard.
En bref…
Une bulle de culture asiatique au milieu du « no man’s land » du Sud de l’Alberta. Le jardin affiche des couleurs particulièrement flamboyantes en automne. Les érables, si abondants dans l’Est canadien, sont ici absents du paysage naturel. Ils ont été volontairement utilisés dans ce jardin japonais en raison de leur intérêt esthétique évoluant au cours des saisons. Le rouge de leur feuillage flamboie. Nous avons eu la chance de voir le jardin à la fois avec sa parure automnale et un manteau de neige précoce ! Les photos de cet article ont été prises tout début octobre 2018, après deux jours de chutes neigeuses.
Accès
- Lethbridge se situe à 210 km et environ 2h15 de route au Sud-est de Calgary, par l’autoroute 2. La frontière américaine (Montana) se trouve à moins de 90 km au Sud de la ville.
Le jardin ferme au cœur de l’hiver et rouvre au printemps (avec un protocole sanitaire évolutif).
Ce sont de très belles couleurs que font ressortir la neige. Beaucoup de sérénité dans ce jardin.
RépondreSupprimerOu la neige qui fait ressortir les couleurs...
SupprimerC'est fabuleux ces couleurs et cette ambiance qui crève l'écran. Bravo l'artiste !!!
RépondreSupprimerBravo à la nature !
SupprimerDes photographies belles à couper le souffle, à rester perdue dans la contemplation des arbres, de l'étang, de cet étonnant jardin japonais scellant l'amitié entre le Japon et le Canada, et que dire quand notre photographe a déjà tout exprimé si justement dans ses légendes, "parure automnale et manteau de neige"...
RépondreSupprimerOn voudrait être botaniste pour nommer tous les arbres, mais à quoi cela servirait-il? Les arbres en seraient-ils plus beaux, ces arbres chapeautés de neige légère, prenant les teintes variées de l'ambre sur leurs feuilles dont certaines flottent à la surface de l'eau nous rappelant l'impermanence des choses?
On voudrait être haidjin pour trouver les quelques mots qui suggéreraient notre ressenti, la saison, la lumière? Mais notre photographe les a trouvés, ces mots, qui forment un poème:
La pagode et l'étang
L'étang et la cloche
Le pavillon et l'étang
Les arbres reflétés dans le miroir de l'étang
On voudrait, en refermant l'ordinateur, être peintre pour jeter sur une toile les sublimes couleurs, la délicatesse, l'harmonie de ce jardin invitant à la méditation.
Ne m'en veuillez pas de citer ici les deux auteurs qui me viennent à l'esprit: Maxence Fermine et son premier roman éblouissant "Neige" (1999) où un jeune poète prisonnier du blanc de la neige s'adonne à l'art difficile du haïku, et le grand auteur japonais Jun'ichirō Tanizaki pour son "Eloge de l'ombre" (paru en 1933 au Japon mais seulement en 1977 en France). C'est en contemplant longuement les photographies intitulées "Vue sur l'extérieur" et "Intérieur du pavillon" que le travail de Julien sur l'ombre et la lumière est venu en écho à ce que dit l'écrivain japonais :"Je crois que le beau n'est pas une substance en soi, mais rien qu'un dessin d'ombres, qu'un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses."...
On rêve d'assister à la cérémonie du thé dans ce pavillon tout blanc, où le bol sombre et la couleur du breuvage crée ce clair-obscur...
Je n'ai guère voyagé qu'en littérature. Ce voyage au jardin de Nikki Yudo est un éblouissement visuel que Julien clôt par ces oies qui passent dans le ciel, apparition de la vie animale, et sur ce "Dernier regard sur l'étang" déjà nostalgique, et qui immortalise la perfection d'un paysage, son équilibre, son sens grâce à la petite pagode qui abrite la cloche de l'amitié entre les deux pays.
Les calligraphies cursives sont-elles des haïkus?
Merci Nadine pour cette mise en perspective.
SupprimerDans la première série de calligraphie très cursive, elles sont trop longues pour être des haïkus. La deuxième série, me semble compatible avec de la poésie. Les quelques caractères, moins cursifs, que j'arrive à lire peuvent être du vocabulaire poétique :lune, capitale, pensée...
Un haïku de Natsume Sôseki:
RépondreSupprimerPagode élancée dans le ciel
Et plus haut
Les feuilles mortes que le vent soulève
Merci encore Julien.
Et en VO ? :)
SupprimerEn japonais et en chinois la poésie passe par la beauté des idéogrammes...Est-ce que cette traduction est possible?
Supprimer空高くそびえる塔風が吹く枯れ葉
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SupprimerJe ne me prononcerai pas. Je ne comprends que les kanjis (hanzi chinois)et pas les hiraganas ou les katakanas !!
SupprimerMais en hanzi je vois le ciel, la hauteur, la pagode, le vent, sec, les feuilles..
Espérons que la traduction automatique est plus élégante en japonais qu'en allemand!!
RépondreSupprimerpas certain !
Supprimer修長的塔在天空中
Supprimer更高
風揚起的枯葉
En chinois traditionnel, au moins pour le sens...
Au moins la plate traduction en français s'est métamorphosé en dentelle d'idéogrammes chinois! Bravo Julien.
RépondreSupprimerDes idéogrammes (中), des pictogrammes (長) et des idéo-phonogrammes (塔) !
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